À la lecture de mes articles ou de mon guide, beaucoup de personnes se rendent compte avoir oublié de déduire une charge sur leur bien loué vide les années passées. Ce sont souvent des travaux ou une des 4 charges liées au prêt qui a été omise. Il est possible de corriger l’année en cours et les deux années passées, j’ai joint un courrier de correction avec la démarche à suivre. Régulièrement, on revient vers moi en m’indiquant que par facilité, on pourrait ne pas corriger les années passées et directement réintégrer la charge oubliée de la déclaration de l’année en cours. Une suggestion que j’ai toujours refusée et déconseillée fermement. Je vais vous expliquer pourquoi et on a aujourd’hui une jurisprudence qui vient confirmer que je fais le bon choix dans mon conseil depuis plusieurs années.
Sommaire
Les premières déductions omises qui créent un déficit foncier.
Le cas d’école le plus fréquent concerne les personnes qui louent un bien vide et ne savent pas qu’elles peuvent déduire les travaux ou charges liées au prêt avant même que le bien soit loué. Prenons l’exemple simple d’un contribuable qui a payé 5 000 € de charges sur son prêt en 2023. Le bien a été loué seulement en 2024. On a souvent l’erreur suivante :
- Sur la déclaration 2024 des revenus 2023, il aurait fallu déclarer les 5 000 € de charges avec un loyer nul. Cela aurait créé un déficit reportable pour les années suivantes.
- Sur la déclaration 2025 des revenus 2024, il faudra déclarer les revenus et charges du bien loué vide de l’année 2024.
Si notre ami a oublié de déclarer les 5 000 € de charges, on va le corriger. C’est un gain fiscal potentiel de 2 500 € ou plus dans le futur (ou un remboursement si on corrige cela en 2025/2026) et il ne faut pas passer à côté. Imaginons qu’il s’en rende compte en fin d’année 2025.
- La déclaration 2025 des revenus 2024 a été faite. Comme les 5 000 n’ont pas été déclarés en 2024 sur les revenus 2023, ils n’ont pas été pris en compte sur la déclaration 2025, ce qui est dramatique.
La solution est alors d’utiliser le courrier professionnel joint à la fin de mon guide et de l’adapter pour l’envoyer au fisc. Arrive alors deux idées « simplificatrices » que je vois parfois appliquées par d’autres professionnels et qui s’avèrent être très mauvaises suite à la jurisprudence.
Pas de raccourci pour corriger une déclaration des revenus fonciers 2044 erronée.
La première idée serait de ne pas corriger la déclaration des années passées et de mettre les travaux oubliés sur la déclaration suivante. Autrement formulé, on mettrait les frais du prêt payés en 2023 sur la déclaration 2025 des revenus 2024 dans notre exemple. Là, c’est un grand non !! Impossible ! On déduit une charge sur la déclaration de l’année où elle a été payée ! Le risque ici est très simple. Si le fisc s’en rend compte, il annulera les 5 000 € déduits en 2025 sur les revenus 2024 au motif qu’ils ont été payés en 2023 et non pas 2024 ! Vous me direz que ce n’est pas bien grave, car on pourra alors corriger la déclaration 2024 sur les revenus 2023 pour les réintégrer. C’est aussi une erreur parce que le fisc va opérer le redressement au dernier moment (la 3ᵉ année). La déclaration 2025 sera potentiellement modifiable, mais celle de 2024 sera prescrite ! Vous ne pourrez plus corriger 2024 sur les revenus 2023 et serez dans l’impossibilité de récupérer vos charges. En suivant ce premier raccourci, vous prenez le risque de perdre la déduction.
La seconde idée serait de ne pas corriger la déclaration sur laquelle on a omis les 5 000 € de charges. En effet, sur certaines situations, on se rend compte que le déficit aurait été seulement informatif. Le fait de corriger la déclaration 2024 sur les revenus 2023 ici ne change rien à celle-ci. On verrait apparaître les 5 000 € de déficit reportable mais c’est tout, l’impôt ne bouge pas. Le contribuable est alors tenté de se dire : je ne corrige pas 2024 et j’intègre directement les 5 000 dans la déclaration 2025 des revenus 2024 là où ils devraient être. Si on s’y connait un peu, on sait que les 5 000 € de déficit reportable auraient terminé en ligne 450 dans la déclaration des revenus fonciers sur l’année 2025. Pourquoi ne pas corriger uniquement 2025 si on peut encore le faire en ligne plutôt que de faire le courrier pro pour l’année précédente ?
Ici encore, je suis partisan de la prudence depuis des années et déconseille cette façon de procéder. J’avoue que je n’étais pas certain de ce conseil et l’appliquait toujours pas prudence. Ma réflexion étant la suivante. Imaginons que le fisc fasse un contrôle fiscal fin 2027. Cela signifie que la déclaration 2025 sur 2024 est modifiable, mais que la 2024 sur 2023 est prescrite ! Ils regardent la déclaration 2025 sur les revenus 2024 et constatent les 5 000 € de déficit. Malgré le fait que 2024 sur 2023 soit prescrite, ils peuvent l’utiliser pour voir d’où viennent les 5 000 € de déficit de la déclaration 2025. Si on ne l’a pas corrigée par simplification, les 5 000 n’ont pas à figurer sur la déclaration 2025 car il n’y a rien l’année précédente et le fisc peut alors redresser. Ils vont donc faire la requalification et annuler les 5 000 € sur la déclaration 2025. Le contribuable pourrait alors montrer la facture des 5 000 € payés en 2023, mais la déclaration 2024 sur les revenus 2023 est prescrite ! Impossible de les intégrer afin de contester le redressement.
Sincèrement, je trouvais ce cas un peu tiré par les cheveux, mais ça ne coute rien de parer à toutes les éventualités. Eh bien, figurez-vous qu’une jurisprudence a finalement confirmé cet aspect ! Le cas réel est arrivé !
Les déficits fonciers issus d’une imposition prescrite ne sont pas reportables.
C’est un dossier qui a été jugé le 14 octobre 2022 sous le numéro 444458. Un contribuable a indiqué un énorme déficit sur l’année 2013 pour des travaux. En 2015, le fisc demande des justificatifs et opère un redressement. Ce n’est pas que le contribuable a inventé les travaux, mais les factures montrent que le paiement n’a pas eu lieu en 2013 mais de 2010 à 2012. Bien entendu, la personne a contesté (et a d’ailleurs été au bout jusqu’au jugement puisqu’on a la jurisprudence) en expliquant que la déduction aurait été similaire (avec un gain fiscal identique) si elle avait tout déduit sur les bonnes années. Mais le résultat a été celui que je vous ai exposé :
- les travaux payés en 2012 ont été finalement acceptés car le contrôle date de 2015 et que la prescription est au bout de 3 ans (au lancement du contrôle, la personne peut encore rectifier 2012).
- les travaux payés en 2010 et 2011 ont été refusés malgré les factures car ces déclarations étaient prescrites au moment du contrôle !
Il aurait fallu que le contribuable fasse le courrier dans les règles en 2013 pour corriger 2010 à 2012. En ajoutant tout d’un coup sur la déclaration 2013 sans corriger les précédentes quand il le pouvait encore, il a commis une erreur qui lui aura couté cher !
Morale de l’histoire : imaginez toujours le pire en fiscalité et vous pourrez alors prodiguer un bon conseil en conséquence.